Activate Javascript or update your browser for the full Digital Library experience.
Previous Page
–
Next Page
OCR
Soe ae et nd ence on
Se een nt canst oy OO 3
4
{ +
2Go DISSERTATION
appelaient alors Deélires , et le Pére Guilloré , dont on assure que les excés
méritaient détre qualifiés de monstrueux, et qu'ils auraient été jugés dignes
outre que la Combe, dans Ja mission qui s’était faitea Anneci en 1679, s’était acquis par
ses sermons beaucoup de réputation, ce saint Prélat se persuada aisément que leur union
ne tendait qu’au bien. .
Madame Guyon, aprés un assez ong séjour dansle monastere des Ursulines , commenga 4 leur
débiter sa dangereuse spiritualité , ou plutét celle de son directeur. Elle y fit.en peu de tems
un renversement qu’on aurait peine a croire, et le mal étant venu jusqu’a la connaissance de
monsieur d’Aranthon, il se crut obligé d’interdire la Combe , et de pricr la dame de se retirer
de son diocése. Madame Guyon se retira 4 Turin , ow elle entretenait depuis long-tems de
secrétes correspondances. Le Pére de la Combe y fut aussienvoyé. .
_Madame Guyon, ayant demeuré quelque tems 4 Turin, en sortit pour des raisons qu’on ne
sait‘pas avec certitude, mais des personnes trés-dignes de foi ont assuré que la crainte de
YInquisition y avait eu bonne part. Elle vint s’établir a Grenoble, ow-elle fit @abord un grand
éclat par ses beaux discours , et par ses entretiens spirituels. Elle gagna un grand nom-
bre de personnes tant séculiéres qu’ecclésiastiques , qui la révéraient comme leur mére ,
et-qui venaient assidiment entendre , comme une femme 4 qui Dieu révélait les plus
secrets mystéres. On ne parlait dans leurs entretiens que d'amour pur, que d’oraison de
quiétude , que @union,, que de mort intérieure , que de transformation en Dieu; et on poussait
Ja. mortification et Yabandon, pour parler leur langage , jusqu’a Ja destruction de tout ce
qui était humain. Sans tout cela, on était encore attaché a ’amour-propre , et la vertu n’a pas
encore toute sa pureté. . .
La combe ayant su les grands progrés que sa bonne amic faisait 4. Grenoble , alla I’
trouver, Ils logeaient dans la méme maison , et n’avaient qu'une méme table. Lun et lautre ré-
pandaient dans cette ville leur doctrine et leur spiritualité. Ce qui fortifiait davantage la séduction ,
est que madame Guyon ne découyrait pas le secret de sa doctrine 4 toutes sortes de
‘personnes , mais seulement 4 celles dont elle était assurée. Cependant les confidences qu'elle
ayait faites ne purent éire si secretes, que quelque fille ne déclarat les sentimens et les
Jibertés qu’on lui avait fait passer pour permises et innocentes , quoiquelles fussent fort
‘opposées la pudeur. M. de Grenoble en ayant été ayerti, au retour des visites de son diocese,
Sappliquaa y remédier; il fiten secret 4 madame Guyon de séyéres remontrances, et lui défendit
de continuer ses conférences. ‘
' Pendant son séjour a Grenoble, elle alla 4 la grande Chartreuse, dans le dessein d’insinuer
ses dogmes a ces picux solitaires. Elle parla au Général en présence de quelques religieux, &
‘guises sentimens parurent d’abord tres-suspects :ainsi son voyage fut sans eflet. M. de Grenoble,
ayant su que le Pere de la Combe avait été interdit dans le diocese de Geneve, et ne pouvant
lus souflrir son commerce et ses assiduités avec madame Guyon, l’obligea de sortir de Gre-
noble. Il alla 4 Verceil , ville de Piémont : les disciples de la dame et Jes siens répandirent le
bruit quil y était appelé pour étre le coadjuteur de. !’Evéque: Ce fut apparemment dans ce
dessein qu'il fit un second voyage 4 Rome, sur la fin de 1682, ou il ne demeura que 15 jours 5
et revint a Verceil ; la dame ne tarda guéres a le suivre , ne pouyant plus vivre s¢parée de lui.
Elle partit de Grenoble vers le mois de mars de l’année suivante, et, sans craindre ni la diffi-
‘culté des chemins , ni les dangers de la mer, ni le scandale qu'une telle démarche pourrait
‘exciter, elle yint 4 Marseille, s’embarqua pour Génes, et alla enfin trouver son cher direc-
teur 4 Verceil. Lun et lautre y demeurérent assez long-tems, et y répandirent leur doctrine.
Le Duc de Savoye , ayant été informé de leur conduite par I’Inquisiteur de Verceil , les obligea
de sortir de ses Etats. . , -
Madame Guyon, se voyant obligée de quitter Verceil , fit de grandes instances auprés de
M. d’Aranthon pour obtenir la permission de venir s’établir 4S. Gervais , faubourg de Gentve ,
se persuadant qu’elle était destinée & opérer Ja conversion de cette ville ; elle en écriyit au Prélat
le 3 juin 1685, Le pére la Combe joignit ses instances , et fit la méme proposition dans une
autre lettre & ce Prélat, datée de Verceil du 12 juin 1685; mais M. de Geneve n’écouta point
les beaux discours de ce religicux , et ne voulut jamais permettre que ni Pun ni lautre ren-
trassent dansson diocése, sous quelque prétexte que ce fut. (Je passe ici tout que ce fit ce Prélat
pour arréter les progres de leurs dogmes ). Madame Guyon, ayant perdu l’espérance de pou-
voir s‘établir dans le diocese de Genéve , pour Icquel elle croyait avoir une yocation particu-
liere, prit la résolution de reyenir en France avec son directeur. Elle partit donc de Verceil
etreyint 4 Grenoble, ou elle voulut tenir quelques conférences pour confirmer ses disciples :
mais M. de Grenoble, qui avait été pleinement informé de sa doctrine, et mal édifié de ses
voyages et de ses étroites liaisons avec la Combe, Jui en refusa la permission; cependant elle
obtint de Jai, sous un faux prétexte , une lettre de recommandation pour M. le Camus, lieute-
nant civil de Paris, dont elle ne manqua pas dans la suite de se prévaloir. :
Comme on pourrait avoir quelque peine a croire des faits si singuliers, il est bon de rappor-