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LA CHARITE AU THEATRE
Souvenirs d’un Impresario
Es jetines Gilles qui, en leurs réves d’or, mentrevoient que
le succes des grandes artistes en vogue ne sc doutent pas
tin seul instant des multiples ennuis qui tracassent sans
interruption les forgats de la gloire. : :
Sans parler des fatigues écrasantes des répétitions journa-
ligres, des lointains voyages dans des pays plus ou moins civilisés,
du souci de la composition des toilettes de leurs réles, en un
-mot de tout ce qui touche au coté matériel de leur existence vaga-
bonde, il y a encore une ob-
session continuelle de de-
mandes de charité.
Aussitot qu’une artiste
arrive & étre consacrée étoile
et que ses appointements ou
ses gains arrivent a un chiffre
notoire, tout une nuée de qué-
mandeurs s’abat sur elle.
Elle n’est pas encore ins-
tallée dans le premier hétel de
la ville et la premiére repré-
sentation est 4 peine annon-
cée, que déja le défilé com-
mence.
. En général, cest par des
lettres dartistes abandonnés &
Vétranger par un directeur
peu scrupuleux quia emporté
la caisse ou condamnés a
Vabandon de la scene par une
infirmité quelconque, que
souvre la série.
Viennent ensuite les compatriotes dans la géne, les négociants
ayant fait de mauvaises affaires, des jeunes filles sages (oh com-
bien!) qui ne peuvent se marier faute d'une dot et qui tous ~
demandent a l’étoile des sommes variant entre dix et deux mille
cing cents francs. .
Avec une cinquantaine de lettres d’encouragement et un
millier de francs on arrive généralement a bout de cette cohorte
plus nombreuse que méchante.
Malheureusement, ce n’est que le début; aprés les quéman-
deurs ordinaires, arrivent les gros bonnets de la bienfaisance.
Ce sont les organisateurs de représentations de bienfaisance,
les distributeurs en vedette des aumones anonymes — ceux qui
ne se contentent pas de vous mettre a contribution pour les
ceuvres aux destinées desquelles ils président, mais qui mettent
vos biens en coupe réglée pour satisfaire leur ambition sans
délier les cordons de Jeur propre bourse.
-Annoncez dans une ville quelconque du continent une série
de dix représentations, et une heure aprés, vous arrivent une
yingtaine de lettres pour demander une soirée de bienfaisance.
La demande est généralement signée d'un nom connu oud’un
monsieur qui étale un tas de titres plus ou moins honorifiques ct
qui vous annonce sa visite pour le lendemain.
Crest & ce moment-la que commencent les grosses difficultés.
Ne pas recevoir ce personnage influent serait un manque absolu
de politesse -— refuser simplement sa demande dénoterait un
coeur d’acier.
Il _yous explique que toute la ville a les yeux sur lui, qu’on
connait son coeur charitable, qu’on a enrubanné plusieurs fois sa
boutonniére pour des fétes de bienfaisance qu'il organisa et que
lon n’attend que cette représentation pour lui conférer un grand
cordon. °
L’artiste objecte-t-elle qu’elle est lige par un contrat, que son
MADAME ADELINA PATTI
directeur ou elle-méme ont toute une troupe, des frais de voyage
et de bagages considérables & payer, qu’en somme on fait des
tournées pour gagner de quoi se donner un jour le repos si dure-
ment acquis et pas pour se poser en tout pays comme Notre-
Dame de la Charité ambulante — que Vannonce dun spectacle a
bénétice ruine complétement d’avance les soirées a donner pour
son propre compte ct que cet acte de générosité devient un vrai
et irréparable désastre pour la caisse de lentreprise, qui, en
somme, fait vivre un nombre de gens tres respectables et dignes
dintérét — qu’en un mot, on préfere donner une somme plus ou
moins forte sur sa propre cassette.
Alors on vous regarde avec des yeux féroces dans lesquels le
mépris ne se cache méme pas ct on fait une réputation indestruc-
tible d’avarice sordide ct impitoyable.
Dans une longue carritre de théatre je n’ai jamais connu @ar-
tiste refusant de venir en aide & des malheureux; généralcment
elles accordent pour cela leur concours gratuit une fois par tri-
mestre, soit quatre fois par an.
En mettant les cachets d'une grande étoile au chiilre de
deux mille cing cents francs en moyenne (je prends le minimum
cela fait la respectable somme de dix mille francs par an quelle
abandonne aux pauvres.
Combien en donne l’organisateur ?
Il se garde la meilleure place, presque toujours une loge, ne
sort pas un centime de son goussct ct daigne recevoir les remet-
ciements des miséreux sccourus.
Bien entendu, il vous laisse le soin dorganiser le spectacle,
dobtenir des rabais de tous les fournisseurs, de faire toute la
besogne matériclle, se réservant exclusivement de soigner sa publi-
cité personnelle et d'inscrire au débit de la recette des frais de
voiture et de correspondance.
A ce propos il me revient & la mémoire une anecdote
tique de ma grande tournée avec Adelina Patti. ,
Cétait 2 Vienne ot nous donnions des représemtations @
Thédire impérial. Mademoiselle Patti avait accepté, dans son
contrat avec moi, une clause lui-interdisant de préter son
concours pour quoi que ce soit, sans mon consentement.
Un jour je recus la visite d'un trio de messicurs présentes P 7
M. de X..., qui venaient me demander une représentation a
profit dun hopital.
Le but m’étant sympathique je ne demandais pas
consentir. En voyant tous ces noms de millionnaires
d’en faire profiter les pauvres ct dis trextuellementaces! le
« Comme vous savez, le cachet fixe de mademoiselle Ade! -
Patti est de dix mille francs par représentation. Si elle ve on
spectacle pour vous elle perd une soirée payée, est coche
réalité une somme de dix mille francs quelle sort de sa poe
pour venir en aide 4 vos protégés.
« Mes bénéfices s’¢lévent (je suis prét & yous le
mes livres) & cing mille francs par soir; jestime fe tort |
représentations futures, par Pannonce de Ja votre, é
moins égal: cela fait done une autre somme de diy
que je vais vous consacrer sur ma bourse personnelle
sois loin d’étre riche; tout Phonneur de la soiree
yous; vous étes tous millionnaires, versez ¢ vous
somme de vingt mille francs ct je vous laisse choisit .
Ja composition du spectacle, Ce sera une véritable fete
pauyres, »
A peine avais-je dit le dernier mot que
leurs chapeaux ct quitt¢rent mon bureau
et presque sans me saluer.
Je ne les ai jamais revus.
authen-
ar
as mieux qued’y
jeus Vidée
messicurs:
lina
prouver par
ait a mes
aun chiffre au
» francs
see prirent
5 essicurs P
ces me mot
sans répondre u
ANN
Impresario SCHURM