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de remords, sanglote sur le portrait de la morte. Une seconde
apparition de la défunte vient confirmer les dires de Kann. Epou-
vanté, Wisby appelle Lydia, devant qui se dresse l’assassince en
robe noire et grand col 4 Ja Van Dyck. — « Qu'est-ce que cela,
s’écrie Lydia? —Ta conscience ne te le dit pas? riposte W isby.—
Ma conscience! va donc et ferme Ja porte. — Non, j’ai peur.
— Alors est moi qui la fermerai. » Puis cette femme forte
fait semblant de n’avoir rien vu, et traite Wisby d’ivrogne hallu-
ciné et de misérable. (Nos gravures représentent ces trois tableaux
suécessifs que auteur a groupés en une scéne capitale.) .
Langfred, depuis quil connait Lydia, ne travaille plus, bien
qwelle soit une inspiratrice merveilleuse. Le rondo quelle joue
admirablement, il cherche 4 le transformer en opéra. Le sujet en
sera Ondine, c’est-i-dire Lydia elle-méme, la nature qui cherche
a pénétrer l’ame, le triomphe de la force et la beauté, la mer
qui refléte le ciel sans jamais le posséder, Ja musique, enfin,
qui, telle que la mer, résout toutes les énigmes et les yeux
pleins de ciel rentre en elle-méme et sanglote. ,
Un pareil sujet est beau, mais un peu vague, et Langfred n’en
tire rien. Son oncle lui parle dune jeune fille qui l'a trouvé
monotone. — « Tiens! elle est intelligente, reprend Langfred.
Ne puis-je la voir? — Sans doute. » —La fille de la morte,
Borgny, introduite par l’oncle Kann, raconte alors & Langfred
Vhistoire de Vassassi-
nat. — « Voila un
LE THEATRE
morte. — A ce squelette hystérique qui tend ses bras décharnés
vers la vie vraiment vivante ? La vie doit-elle étre vaincue par
la mort?» Et ils discutent, ils discutent a perte de vue, sentant
se creuser entre eux un abime, lentement — a mesure qu'elle le
contredit, l’artiste s'ancre dans sa conception nouvelle.
Soudain on frappe a la porte. Lydia ouvre, crie, recule: Encore
elle ! c’est la morte rajeunie, éclatante de beauté dans sa robe
noire, avec son col a la Van Dyck. « Qui es-tu ?» demande
Lydia, d’une voix tremblante. — « Je suis la fille de ma mére »,
répond Borgny, car crest elle. Lydia pousse un cri déchirant, et
s’enfuit pour ne jamais revenir. « Oh! ce cri, mon oncle! ce cri
terrible », gémit Langfred, brisé par tant d’émotions. — « Il te
suivra jusqu’a ce qu'il devienne musique. »
Cette piéce se trouve en dehors, et peut-étre au dela de toute
rogle dramatique. Le récit de l’assassinat y est répété trois fois,
longuement. Deux sujets s’y juxtaposent: Ia découverte de la
meurtriére et l’affranchissement de Langfred. Aucun des carac-
teres, sauf celui de Lydia, n'est tracé d’une main ferme : Wisby,
Borgny, Langfred sont des fantoches qui ne vivent guére. Pour
faire crouler l’édifice de Bjcernson, il suffirait, semble-t-il, dune
chiquenaude. Mais cette fréle armature n’a étécréée, ne l'oublions
pas, que pour soutenir les dialogues platoniciens entre Lydia et
Langtred, ou se heurtent deux conceptions antagonistes de l’art :
Parsifal et la Sym-
phonie héroique. La
sujet que je ne pourrai
jamais oublier, s’écrie
le jeune artiste. —
Mais c’est votre On-
dine, reprend Borgny.
« Ondine, c’est la
meurtriére, sombre
couleur de son élé-
ment.Commelavague
elleest froide. Comme
elle, elle aime et veut
s‘élancer — comme
elle,elle tue ce qui lui
résiste. » — Langfred
aun éblouissement de
lumiére. — « Alors,
selon vous, dit-il, ce-
lui qu Ondine aime
doit étre marié? —
Sans doute.... Et?On-
dine tue sa femme. »
Langfred, transporté
par le drame qui se
dessine, entend déja la
voix sombre et la voix
blanche, les choeurs
de la mer et ceux de
laterre.... les voix ven-
geresses... « Oui, con-
clut-il, Ondine doit
étre vaincue », et il
court porter 4 Lydia
la bonne nouvelle.
Celle-ci s’indigne.
On a gaté son sujet.
« Que vient faire cette
phtisique dans l’opé-
ra? Ce qu'il y avait de
beau dans son ceuvre,
cétait Veffort d’On-
dine pour posséder
une Ame, Pélan vers
ce qui sauve, cotite
que coiite, a tout prix.
— Ceci subsiste,
objecte Langfred ;
mais la victoire doit
rester a la pauvre
et
Era
1,247
el ale®
Po aes
grt tates ry
musique, « quiva plus
loin qu'elle ne le sait
elle-méme, qui parle
quand tout a été dit,
qui est 4 la vie ce que
la mer est & la terre»,
y est glorifiée en des
pages magnifiques.
Certes, elle n'est. pas
trés originale, lidée
centrale, c’est-a-dire
Ja suprématie dela loi
morale sur la joie
paienne. Les artistes
curopéens en ont fait
trente et quarante
fois le tour. Mais
M. Bjcernson semble
Vignorer et nous ap-
porte avec une verdeur
et une séve nouvelles,
ces discussions que
nos rhéteurs depuis
longtemps avaient
épuisées, peut-étre
avec plus dart, mais
avec moins de naiveté.
Anatole France et
Renan nous ont pré-
senté, sous une forme
infiniment plus ou-
vragée, 4 peu pres
toutes les antinomics
de Laboremus.
La piéce, montée
avec soin par M. le
directeurPaulLindav,
a été jouée avec talent
par Mesdames Prasch-
Grevenberg (Lydia);
Seyffertitz (Borgny),
et par MM. Connard
(docteur Kann}, Wal-
den (Langfred) ¢t
Wehrlin (Wisby)-
CHARLES
Cliché Zander § Labicch (Rovtin).
BONNEFON.
LyptA (Mme A. Prasch-Grevenberg)
LE THEATRE A BERLIN. — LABOREMUS. — Acte IL
Directeur : M. MANZI.
Imprimerie Manz, Jovant & Cis, Asnieres,
Le Gérant : G. BLONDIN.
ase ton!
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lays
Sy
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