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410 “ MEMOIRES. HISTORIQUES: ’
devant et’ derriére. On a coutume de donner ces sortes de marques 3 Xceux!
qui ont commis,’ ou qui passent pour avoir commis des crimes contre Ja’
foi de Jésus-Christ ,' soit Juifs ; Mahomeétans , Sorciers ou’ Hérétiques, qui!
ont été auparavant Catholiques. On appelle ces. grands’ scapulaires: avec’
des croix de:Saint André , -sambenito. -
Ceux qui sont tenus pour conyaincus ; et qui persistent a nier Jes‘ faits |
dontiils sont accusés , ou qui sont relaps; portent une autre espéce de sca-
pulaire appelé Samarra, dont le fond est gris. Le portrait du’ patient y
est représenté au naturel devant et derriére, posé sur des tisons embras¢s,
avec des flammes qui s'éléyent ; et des démons tout a’ ‘Yentour. Leurs rioms
et leurs crimes sont écrits au: bas du: portrait : : mais ceux: qui ‘s'accusent
aprés’ qu' on leur a prononcé ‘Jeur sentence, et avant leur’ sortie , et qui ne
sont pas relaps, portent sur leurs samarras des: flammes renyersées la
pointe en bas; ce qu'on appelle. fogo revolto , Cest-a-dire, feu renversé..
On distribua ‘des sambenitos 4 une vingtaine de noirs accusés'de magic’ :.
aun Portugais | atteint de méme crime , et gui de plus. était Chrétien noe
‘veau; et comme on ne voulait pas se yenger de moi & demi > “et qu on ay ait
résolu de m’insuller j jusqu’ au'bout, on m Yobligea’ de yélir un habit sem-|
blable & celui des sorciers et des Herétiques > quoique jeusse toujours fait
profession de la foi catholique ; , apostolique et romaine ; ce que mes juges
auraient pu aisément savoir par une infinité de personnes , tant étrangéres
que de manation, ayec qui j'ayais demeuré dans divers endroits des Indes.
Mon appréhension redoubla quand j je me vis ainsi paré, parce qu ‘il me
sembla que n’y ayant parmi un si grand nombre de criminels que yingt-
deux personnes a qui on’ edit donné: de ces honteux sambenitos sil pourrait
bien arriyer que ce seraient-la ceux pour cm ‘il ny avait point. de mis¢ri-
corde.
Ensuite de cette distribution, je. vis paraitre © clitq bonnets de ‘carton ;
éleyés en pointe a la facon dun pain de suere , tout couyerts de diables et
de flammes de feu, avec un écriteau A Yentour , qui ‘exprimait ce’ mot ,
feiticero > Cest-a a-dire: sorcier. On appelle ces bonnets Carrochas ; on les
posa sur les tétes dautant de personnes , les plus ‘coupables ‘entre celles
qui étaient accusées de magic ; et comme elles se trouyérent assez prés de
moi, je crus qu’on ne manquerait pas de 1 m’en présenter ; aussi un, “ee qui
warriya pourtant pas.
Je ne doutai presque plus alors que ces misérables ne dussent effective e-
ment ¢tre brilés; et, comme ils n’étaient pas micux instruits que moi des
formalités du saint office , jai su Peux’ depuis . que | dans ce moment ils
ayaient cru leur. perte inéyitable. -
Chacun étant ainsi orné selon la qualité de ses crimes , nous ‘eumes, la
liberté de nous asseoir par terre , en attendant de nouy eaux ordres.
Sur les quatre heures du matin , des serviteurs de la maison yinrent dla
suite des gardes , pour distribuer du pain ct des figues 4 ceux qui en you-
lurent; mais , quoique je n’eusse pas soupé le soir ‘précédent , je me trou-
yais si peu’ disposé 4 manger , que je naurais rien pris, si un des gardes
s’étant approché de moi, /ne medt dit: Prenez yotre pain, et si yous ne
pouvez le manger a présent, mettez-le dans votre poche; car vous: aurez
assurément faim ayant de reyenir: |
- Les paroles de cet homme me farent d'une grande consolation , et dis-
sipérent toutes mes craintes , par Yespérance qu relles me donnaient de 1 mon
retour; ce qui m ‘obligea & suiyre son conseil.