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Théatre National de l’Opéra-Comique
PELLEAS ET MELISANDE
DRaMr LYRIQUE EN CIXQ ACTES ET TREIZE TABLEAUX, LIVERT DE M. MAETERLINCK,
MUSIQUE DE M. Cravoe DEBUSSY
rE mest pas d‘hier que M. Claude Debussy, entrainé
par son tempérament et ses godits naturels vers les
poétes parnassiens, symbolistes ou décadents (suivons
exactement la filiére), a jeté son dévolu sur une des premiéres
piéces que M. Maurice Maeterlinck écrivit sans intention de les
faire jouer, mais qu'il n’empécha jamais de représenter quand il
fut question de les transporter sur un théatre. En cela, du reste,
il ne fit que suivre exemple donné par Alfred de Mussct, mais
je pense que ce ne fut pas sans rougir un peu.
Cette détermination de M. Debussy doit bien remonter 4 huit
ou neuf ans, en tout cas a plus de six, — cela résulte positi-
vement de la lettre irritée écrite dernigrement par M. Maurice
Maeterlinck pour excommunier son collaborateur avec le direc-
teur de l’Opéra-Comique, — et voila neuf ans, en effet, que
Pelléas et Mélisande fut représenté 4 Paris, sur la scéne des
Bouffes-Parisiens, mais par la compagnie dramatique dite de
l'CEuvre et devant une assemblée triée sur le volet, C’était
dans laprés-midi du mercredi 17 mai 1893, et les interprétes
s’appelaient Emile Raymond et Lugné-Poé, pour les réles
d’Arkel et de Golaud, Mesdemoiselles Marie Aubry et Meuris
pour Jes personnages de Pelléas et de Mélisande, enfin Mes-
dames Camée, France et Georgette Loyer pour ceux de Gene-
viéve, d’une vieille servante et du petit Yniold. Une seule repré-
sentation, pas davantage, ct quel honneur c’était que d’y pouvoir
assister !
Est-ce l’effet immédiat de cette représentation sans lende-
main? N’est-ce pas plutét Ja simple lecture de ce drame ou poéme
cn prose, qu’un critique enthousiasmé n’hésitait pas & mettre
au-dessus de ceux de Shakespeare? Toujours est-il que les musi-
ciens se sentirent vite attirés vers ce drame d’une simplicité
enfantine, sous des allures sibyllines, et d’un langage on ne peut
plus étudié, sous sa naiveté et sa monotonie apparentes. M. Ga-
briel Fauré entreprit seulement d’écrire quelques morceaux
@orchestre pour remplir les entr'actes ou accompagner diverses
scénes du drame, et ces courts morceaux nous ont été révélés
dans les concerts; mais M. Claude Debussy, lui, mhésita pas
As’attaquer 4 Vouvrage tel que le jeune écrivain gantois l’avait
mis au jour, 4 adapter sa musique sur Ja prose méme du drame,
en respectant le texte avec ses innombrables interjections et ses
répétitions aussi fatigantes qu’inexpressives. .
Ce qu'il y a de certain, c’est que le meilleur accord paraissait
régner alors entre le prosateur-poete et son collaborateur, le musi-
cien. Pourquoi faut-il que Ja guerre se soit allumée entre cux a
propos du choix d’une chanteuse et comment se fait-il que
M. Maeterlinck ait poussé la méconnaissance des droits acquis
jusqu’a répudier son ouvrage, jusqu’a déclarer urbi et orbi « que
le Pelléas de VOpéra-Comique est une piece quilui était devenuc
étrangére, presque ennemie », et qu’étant dépouillé de tout
contréle sur cette ceuvre-la, il en était réduit & « souhaiter que
la chute en ft prompte et retentissante » ? C’est trop. Quil le
veuille ou non, qu'il accepte ou refuse telle ou telle interpréte,
il n’en est pas moins le pére de Pelléas et Mélisande, ct son
drame, ou son poéme, ou sa légende assez scrupuleusement sui-
vic, & ce qu’on peut vérifier, n'en aura pas moins exercé une
influence décisive sur l'inspiration de M. Debussy. Naguére, il
se félicitait de cela, sans doute; aujourd’hui, et dans l'état d’es-
prit que sa lettre accuse, il doit le regretter; car si le Pelléas
actuel obtient par miracle une heureuse fortune, combien ne lui
sera-t-il pas pénible de penser que son propre drame aura con-
tribué & amener ce résultat contraire & ses voeux, A protéger
contre son anathéme et le directeur et le compositeur qu'il disait
abominer !
Cette histoire, Giablie avec une grande recherche de la forme
archaique, découpée ala fagon de Shakespeare, en quinze ou
vingt scénes, pour la plupart assez courtes, trés simple au fond,
mais recouverte & dessein d’un voile de symbolisme qui n’em-
péche pas d’en voir clairement les dessous peu profonds, nous
retrace encore une fois les amours d’un nouveau Paolo Mala-
testa et d’une nouvelle Francoise de Rimini dans une région
trés imprécise, dans un pays trés vague et dont nous ne savons
rien, sinon qu'il s'y trouve des mendiants endormis dans des
grottes, qu’on y éléve des moutons pour Jes mener a l’abattoir,
ct qu'une famine y exerce ses ravages. Et la legon qui ressort de
ce drame — autant vous le dire tout de suite — est que la fata-
lité gouverne le monde, que les événements nous ménent et que
toute résistance cst vaine de notre part contre les lois secrétes
édictées par le destin : c'est ce que l'histoire suivante va facile-
ment démontrer.
Dans le pays d’Allemonde commande un trés vicux roi,
courbé par Page, Arkel, grand-pére de deux beaux jeuncs
hommes trés dissemblables l'un de l'autre et qui, d’ailleurs, ne
sont fréres que par leur mére. L’un, Golaud, déja mfr et pere
d'un bambin nommé Yniold, est un rude, un violent, un grand
chasseur devant ’Eternel ; Pautre, Pelléas, sensiblement plus
jeune, est un réveur sentimental, un poéte. Golaud, devenu veuf,
est envoyé par son aieul & la recherche d’une nouvelle ¢pouse :
un jour qu’il s’est égaré dans les bois, il rencontre une jeune
fille, toute fréle et craintive, qui s’est échappée on ne sait
d’oit et pleure au bord d'une source en cherchant la couronne
qu'elle vient d’y laisser choir. Elle tremble de tout son corps a
l'approche de Golaud ; mais celui-ci s’étant fait doux et tendre
afin de la rassurer, elle finit par Ie suivre, de loin, timidement,
et consent adevenir sa femme. Aprés avoir parcouru des régions
inconnucs, six mois durant, avec Mélisande, Golaud annonce
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