Activate Javascript or update your browser for the full Digital Library experience.
Previous Page
–
Next Page
OCR
32
Avec une précision de mathématicien, M. Marcel Prévost
écrivait dernigrement : « Toute mauvaise coqueiterle est une
erreur de proportion. » Ce reproche ne saurait certainement
viser la Parisienne, qui est réputée magicienne dans Part de
masquer ses imperfections et de mettre en valeur les graces de
sa personne. Loin de nous la pensée de représenter les corse-
tiers comme des orthopédistes ; mais i] est cependant bien
évident que Vhygiéne ct la vie moderne de la femme ont
transformé singuli¢rement Ja fabrication du corset. Les néces-
sités sportives et professionnelles en sont venues a spécialiser,
en quelque sorte, le corset selon le cas. De 1a une grande variété
de modéles propres a chacune de nos grandes maisons, les
Léoty, les Savigny, les de Vertus, etc. Chez les grands coutu-
riers comme chez eux, on retrouve le méme souci de la ligne
telle qu’on la congoit aujourd'hui: diminution des hanches,
effacement du ventre, cambrure des reins, et cela nous amene
sans transition au costume tailleur. Nous sommes loin, disons-le
tout de suite, de ce qu'il fut 4 ses débuts : tout ce quil y a de
plus pratique. Ne nous venait-i] pas d’Angleterre, ott les femmes
ne sont coquettes quaprés six heures du soir? — Il ne pouvait
done étre autrement : uni, court d’étoffe, pouvant résister a tous
lestemps. Qu’ena fait la Parisienne? Uncostume decoupe admi-
rable, sans doute, mettant merveilleusement en valeur sa svel-
tesse et 'élégance de ses contours, mais sortant souvent de sa
destination premiére. La femme que ses occupations appellent
au dehors se lasse vite d'une demi-traine de drap a relever, ct,
forcément, adopte le vrai costume tailleur, le « trotting dress »,
puisqu’il faut lappeler par son nom. On comprend d’ailleurs
mal, pour la rue, costume tailleur ou autre, la jupe trainante,
qui inspiraita un Chinois cette réflexion philosophique : « Vous
vous dites civilisés et vous faites balayer les rues par les robes
de vos femmes ! »
Nous retrouvons, par contre, bien appropriée cette fois, la
coquetterie si artistique de la Parisienne dans la toilette habillée.
Nous avons & signaler a cet égard les derniéres‘euvres de Red-
fern, de Mesdames Ney sceurs, d’Ayme et Barrabé, etc., dans les
derniéres piéccs. Comme toujours, les chapeaux ont été un
triomphe pour Madame Carlier.
Et la lingerie ! et les dessous! Fragiles matiéres, délicats
éléments de succés, et qui agissent par suggestion! Que nous
sommes loin des « simplicités » d’antan, et avec quelle rapidité
la mode s'est faite, sous ce rapport, belle, précieuse et raffinée!
Cette recherche n'est pas assurément pour nous déplaire, et un
coup d’eil jeté sur les admirables exhibitions de la « Grande
Maison de Blanc » du boulevard des Capucines, nous donne la
note intéressante de ce féminisme toujours fort heureusement
vivace, dans ce qu'il a de mouvant et d’exquis.
I] éclate encore, ce féminisme délicieux, dans ces mille fan-
taisies qui, de tout temps, marquérent la gloire de la mode a
Paris. C’est pour la Femme que sont créés tous les jours ces
riens toujours empreints de cachet et de godt. Quoi de plus
élégant que la « Pochette Scudéry », élégant nécessaire a écrire
offert par Henry, « A la Pensée » ; que ses sachets parfumés
pour le papier a lettre, que ses calendriers, que son choix
darticles pour la correspondance, papier, enveloppes, cartes,
tout cela si coquet, si artistique? Ajoutons que « A Ja Pensée »
ce rayon de ganterie est le rendez-vous de nos élégantes. comme
les salons de Perrin et de Jouvin. La Femme reparait encore le
soir dans tout l’éclat de son charme, quand on se retrouve soit
apres le spectacle, chez Maire, Noél-Péters et autres renommées
« maisons out l'on soupe », dont les tables sont garnies de ces
merveilleux fruits de la maison Joret,— tant appréciés par le
président Kriiger, — soit avant diner, dans ces élégants
« Afternoon tea » ot les fins gourmets viennent se délecter
tantot d'une tasse de thé de la Compagnie anglaise, tantot
du délicieux chocolat de la Compagnie coloniale ou Masson,
avec un sandwich au jambon Coleman, & moins qu'une hygiene
LE THEATRE
bien entendue ne fasse préférer un verre de Mariani ou de vin
Désiles.
Et ce pendant, attendent ala porte la file des automobiles de
Dion-Bouton ou des équipages luxueux, les uns avec leurs
chauffeurs a grande touloupe, les autres avec ces livrées de coupe
irréprochable dont la Belle Jardiniére a aujourd'hui le mono-
pole.
Nous disions, plus haut, quela mode avait parfois des retours
singuliers vers le passé. La vogue actuelle du bijou, de Ja bre-
loque et du bibelot, en est bienun exemple ; mais il semble qu'un
sens plus affiné guide mieux le choix du public. Nous assistons
dailleurs comme aun renouveau d’esthétique, sortant du con-
venu dans un classique modernisé. Nos grands joailliers, nos
grands orfévres, comme les Froment-Meurice par exemple,
marquent bien dans leurs heureuses créations, toutes de sou-
plesse, de légereté, de frivolité méme, la tendance plus artis-
tique de la Parisienne daujourd’hui.
Dans un autre ordre d’idées, rien n’est plus luxucux, de plus
empreint d'un. vrai cachet d'art, que ces éventails dont Buissot
offre un choix fort intéressant pour les cadeaux de mariage
comme pour les collections.
Quand ils’agit de présenter 4 une difficile et élégante clien-
téle, l'article inédit, dans une forme ingénieuse et artistique, la
Parfumerie Lubin tient toujours le premier rang. C’est dans les
coquets salons de la rue Royale qu’il a été de bon ton, pour
Noél et le Jour de l’An, de venir faire choix de ces flacons de
cristal finement taillé cnfermant le parfum préféré, de ces
sachets embaumés garnis de dentelles et de rubans, de ces pré-
cieux coffrets si joliment baptisés « Caves a odeurs », qui ont été,
en cette fin d’année, les « cadeaux a la mode». Par ailleurs, les
fervents de la tradition ont demandé 4 Pihan ses plus jolies
boites de bonbons, ou A Madame Lion ses plus riches corbeilles
de fleurs.
Une des exigences de la mode, auxquelles doit se preter l'art
industriel, c’est d’offrir & la femme amateur de photographie, un
appareilcommode, portatif, solide, permettant de se dissimuler
parfaitement par sa petitesse. Ce probléme a été résolu parla
maison Jules Richard, dont le Vérascope ou « jumelle stéréo-
scopique » a vraiment l’apparence d'une de ces élégantesjumelles
de théatre que l'on trouve chez Derogy, chez Krauss ou chez
Fischer. Le choix peut également se porter sur le matériel
photographique des Mackenstein, des Gaumont, des Carpentier,
des Guilleminot, qui, chacun dans leur genre, ont su plier la
science au gotitet aux préférences de la Femme.
La musique a sa part aussi dans ce besoin de nouveauté dont
vit la mode. Arrétez-vous au 32 de l'avenue de l'Opéra et
M. Toledo se fera un plaisir de vous faire assister a une audi-
tion de son merveilleux instrument « |’ £olian ». L’olian donne
absolument illusion d’un orchestre magique obdissant a toutes
les lois dintensité, de coloris et de précision indispensables aux
fidéles ct bonnes exécutions. : .
Comme on le voit, ce n'est pas seulement dans le costume,
dans la toilette, que la mode révéle sa tendance originale et artis-
tique. L’habileté, le gotit de nos ouvriers frangais mest pas
moins éclatant dans l'art de Ja décoration, de lornementation,
de Pameublement*et tout ce qui touche & notre « home.
Voyez les bronzes exquis et les jolis meubles de Sormani,
les beaux services de table, les services de cristal si mo-
dernes des magasins « A la Paix », 34, avenue de l'Opéra, oll
sont exposées les ceuvres des maitres Emile Gallé, de Nancy,
Laurent-Desrousseaux, etc.; les intéressantes poteries d'art du
Golfe Juan, pétries par Vhabile main de cet artiste incomparable
guest Clément Massier; n’est-ce pas de ce merveilleux ensemble
de choses vues que l’on peut favorablement augurer du siecle
qui s’ouvre? -
GILONNE DE COURTEVILLE.
Mp