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Au commencement de la piece, en écoutant distraitement le
babil: de ses jolies compagnes, elle est réveuse. Elle-suit, en
imagination, un certain Roderigo, dont le souvenir lui est doux.
Ce Roderigo de Triana est un des compagnons de Christophe
Colomb; depuis un an bientét, il navigue sur les mers lointaines,
a la recherche de pays inconnus; et le cocur de Béatrix bat plus
fort quand sa pensée se porte sur l’aventureux gentilhomme dont
elle voudrait connaitre le sort... (Vous voyez maintenant pour-
quoi nous sommes en 1493.)
Justement arrive un certain Nicolo, un grotesque 4 la maniére
de Cervantés ou de Shakespeare, qui annonce a Béatrix que
Roderigo est de retour.
Et l'on voit paraitre bientot une sorte de sauvage aux longs
cheveux, 4 la barbe inculte, vétu de guenilles: c'est Roderigo,
que les voyages et les aventures ont rendu méconnaissable. I] a
voulu voir si Béatrix le reconnaitrait. I] sait bientét 4 quoi s’en
tenir. Béatrix, la fitre et hautaine princesse d2 Moya, n’a pas un
moment d'hésitation. Est-ce qu'un gentilhomme, un Roderigo-
de Triana oserait se présenter ainsi devant elle? Cela, cette chose
informe, ce monstre, Roderigo! Jamais de Ja vie! Et, furieuse,
elle chasse le hideux personnage qui ose se faire Passer pour
Roderigo. .
Mais Roderigo n’est pas revenu d’Amérique pour se laisser
ainsi éconduire. I] connait 'humeur changeante de Béatrix et se
promet de la mater. -
Alva sans dire que Roderigo a un rival. Ce rival est Don
Garcia que Roderigo a deux raisons de détester. I] le déteste
d@abord parce qu'il aime Béatrix; il le déteste ensuite parce que
Garcia, non content de courtiser Béatrix, conte fleurette A une
fille @honneur de Béatrix, laquelle est la femme d'un ami de
Roderigo, qui est en ce moment en train de guerroyer au loin.
Garcia réussit presque & compromettre la jeune femme, qui est
sauvée par l'intervention de Roderigo. U n’en faut pas davantage
pour que Garcia, & son tour, nourrisse pour Roderigo une haine >
féroce qui va en s’accentuant A mesure que Roderigo, qui a
repris ses vétements ct ses allures de gentilhomme, rentre en
grace auprés de Béatrix, se fait aimer d’elle et obtient enfin de la
: LE THEATRE
mégére le doux aveu de son amour et la promesse d'une union
prochaine. .
La mégére est redevenue une colombe, et Roderigo est au
comble du bonheur. .
Béatrix, radieuse, en costume de mariée, attend son fiancé:
autour delle sont groupés ses courtisans et ses dames dhon-
neur; le vénérable padre qui doit donner la bénédiction nuptiale
a Béatrix et 4 Roderigo est 1a aussi. Les cloches sonnent de
joyeux carillons, Pair retentit de chants d'amour...
Roderigo tarde a venir, on envoie asa recherche. Des cris
résonnent au loin; c'est lui, le fiancé, l’époux attendu... Mais a
mesure que se rapprochent Ices messagers, Vinquiétude, lan-
goisse, la terreur se peignent sur les visages. Nicolo accourt
fou de douleur; derri¢re lui des hommes portent une civiére
sur laquelle est étendu le cadavre de Roderigo, assassiné par
Garcia.
Béatrix, éperdue, sejette sur le corps de son amant: aux caril-
lons suceédent les glas funébres, aux chants joyeux, des canti-
ques de mort, etle padre, au lieu d'une bénédiction nuptiale,
prononce les pri¢res des morts.
En réalité il n’y a, dans cette pitce, que deux roles, celui de
Béatrix et celui de Roderigo. Dans Je premier Miss Olga
Nethersole a déployé les grandes qualités de spontanéité qui la
caractérisent. Douée d'un talent naturel, d'un tempérament dra-
matique, Miss Nethersole compte trop sur l'inspiration du
-moment et pas assez sur I’étude; elle gagnerait 4 creuser ct a
composer ses rdles avee plus de soin. Il y a dans son jeu quelque
chose de heurté, d'inégal qui choque ct, parfois, lasse un peu le
spectateur. I] n’est que juste de dire que c'est un peu la faute des
autcurs, dont Ja piéce est trop longue ct finit par ennuyer.
~ Réduite d'un bon tiers, elle serait plus intéressante.
M. Thalberg a donné une physionomic un peu sombre a
Roderigo, mais il est, en somme, un amourcux sulfisamment
convaincu et passionné.
Quant au style de MM. Parker ct M urray, il cst clair, clégant
et littéraire mais, d’autre part, un peu prolixe.
H.-A, MAC SHORE
LE FRERE DOMINGO
Cliché Byron (New-York).
BEATRIX RODERI.
(Mr. Harry Dodd) (Miss Olga Nethersole) (Mr. T. B Thalberg)
. B. s
ACTE IV