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COMEDIE-FRANCAISE
LOUIS XI, DE CASIMIR DELAVIGNE
a Comédie-Frangaise vient de reprendre, avec une cer-
taine solennité, le Louis XJ de Casimir Delavigne. La
premiére représentation date de 1832, la derniére reprise
qui en fut faite remonte a 1863. J’y ai assisté et j’en ai
méme rendu’compte. Voila qui ne me rajeunit point. La
piéce avait été admirablement montée -par_M.. Edouard
Thierry. C’est Geffroy qui jouait Louis XI, qu’avait créé Ligier
avec un éclat extraordinaire, Delaunay, Nemours et Mademoi-
selle Favart, toute jeune alors et charmante avec son profil si
pur, représentait Marie.. Ce n’était rien moins que Régnier et
Maubant qui faisaient Commines et Coictier.
Louis XI n’eut pas alors tout le succés que semblait lui pro-
mettre une distribution aussi prestigieuse. Les beaux esprits
commengaient a dénigrer.Casimir Delavigne qu’on appelait
un ‘poéte de transition. On le mettait dans le mémesac que
Scribe. On se répétait en riant les vers célébres de Fernand
Desnoyers : : a
* Habitants du Havre, Havrais,
Je viens de Paris tout exprés
Pour déboulonner la statue
De Delavigne (Casimir) ;
-Il est des morts qu'il faut qu’on tue.
Le monde chic n’avait pas encore pris I'habitude d’aller a la
Comédie-Frangaise; et ce n’était pas une ceuvre de ce Casimir
Delavigne, si démodé, si en défaveur, qui aurait pu les y
ramener. -
Depuis 1863, Louis XJ avait disparu de l’affiche de la Comé-
die-Frangaise. Geffroy parti, on ne l’avait plus joué. La piéce
n’était pourtant pas inconnue des générations nouvelles. On
Vavait représentée 4 l'Odéon, au Trocadéro, et tout derniére-
ment encore au Théatre de la République, ott Taillade, le cu-
rieux et puissant artiste, porta les derniers restes d'une ardeur
qui tombe et d’une voix qui's’éteint.
Le public de l'Odéon-et celui du Chateau-d’Eau I'avaient
fort bien accueilli. Mais 4 la Comédie-Frangaise, ne-se heurte-
rait-il pas encore une fois au méme préjugé contre lequel il avait
échoué en 1863? M. Jules Claretie hésitair.
Ce qui leva ses incertitudes, c'est que deux des plus influents
sociétaires avaient eu envie du rdle: LeloiretSilvain. Ils pesérent
sur la détermination de l’administrateur général. Qui des deux
choisir? peut étre edt-il été plus facile 4 Leloir de se grimer en
Louis XI; car il est maigre de corps et de visage. Mais le public
tient beaucoup moins de compte que l’on ne croit de la ressem-
blance physique. Ce qu'il demande avant tout, c’est que le
comédien traduise avec une vérité puissante le caractére et les
sentiments dont l’auteur a marqué le personnage.
Ona préféré Silvain. L’excellent artiste a bien été forcé de
composer avec son visage trop plein, sa taille trop épaisse et un
certain air de bourgeoise bonhomie qui est répandu sur toute
sa personne. Les journaux ont conté en grand détail 4 l'aide
de quels arrangements ingénieux, il s'est, autant que possible,
rapproché de son original. Les lecteurs du Théatreen pourront
juger par les illustrations que la revue met sous leurs yeux.
Mais si nous n’avions quece complimenta lui faire, l’éloge serait
mince,
Ilapar bonheur un autre mérite, qui est plus essentiel. Il a
creusé profondément le réle, et il en a rendu avec beaucoup de
vérité et de puissance les aspects trés divers. C'est une compo-
sition trés étudiée, trés poussée et qui lui fait le plus grand
honneur.
Savez-vous bien que le personnage de Louis XI est un des
, Plus vivants qui aient jamais été mis 4 la scéne? Il a bien fallu
qu’on s’en apercat l'autre soir et que l’on en convint. Voila
déja quelque temps que je voyais se produire un revirement
en faveur de Casimir Delavigne. Déja Jules Lemaitre, dans
une conférence spirituelle, prononcée au Havre, avait 1aché
de réhabiliter celui qui fut, en i830, le rival de Victor Hugo,
et qui depuis s’était perdu, anéanti dans le vaste éblouissement
du-grand poéte. Larroumet, lui aussi, parlant de Marino
‘Faliero, 4 1 Odéon, avait essayé de réagir contre une mésestime
si peu justifiée. Le succés obtenu cette fois leur a donné
raison. : ‘
C’était un public d'été et par conséquent un public trés mé-
‘langé. Beaucoup de provinciaux et d’étrangers, et parmi eux une
foule d’artistes dramatiques et de gens de lettres, chez qui l'on
pouvait croire le préjugé contre Delavigne trés vivant encore.
Tout ce monde a paru quelque peu surpris de s‘intéresser aussi
vivement a cette ceuvre, dont on croyait avoir tout dit, quand
on lavait dédaigneusement qualifiée : ceuvre de transition.
Le premier acte a semblé long, et il l’est en effet. La se trou-
vent, comme dans la plupart des tragédies classiques, des récits
qui préparent l’action, qui établissent les caractéres des person-
nages et les rapports qu‘ils doivent soutenir les uns avec les
autres. Ces détails nécessaires ont besoin d'éire relevés par l’éclat
du style; et celui de Casimir Delavigne, quand il n’est pas
échauffé et soutenu par la situation, est souvent flasque, pro-
saique, chargé de fausses élégances.
Mais dés le deuxiéme acte, lattention se réveille & l’entrée
en scéne du Roi, apostrophant le comte de Dicux :
Ne vous y jouez pas, comte, par la croix sainte!
Quw’il me revienne encore un murmure, une plainte,
Je mets la main sur yous, et, mon doute éclairci,
Je yous envoie a Dieu pour obtenir merci.
Le salut de votre Ame est le point nécessaire.
Dieu la prenne en pitié. Le reste est mon affaire,
J’y pourvoirai.
Voila qui est vraiment de haute et franche allure! Et, tout de
suite aprés, Louis XI cause avec ses bons bourgeois sur un ton de
bonhomie familigre qui était tout nouveau dans la tragédie, 4
l’époque ot Delavigne écrivait.