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LE THEA TRE 5
sum, aussi Nelly s’interesse bien vite it lui. Est-ce simple affec-
tion materne1le,‘ce sentiment, ou bien, en toute incoriscience,
y entre-1-il de1‘amour?Voila ce que je ne saurais dire, elle non
plus, probablement. Si elle s‘interrogeait, elle se repondrait sans
doute it elle-meme: << Je ne sais pas ! n Or, voila que notre jcune
homme, pris d‘un acces de la fievre parisienne, s‘est1aisse saisir
parl'engrenage, a fait des dettes etse trouve accule a1'inextri-
cable situation. Sur de mauvais conseils, pour en sortir, il est
pret alivrer le secret d‘une invention sur laquelle son patron
Sandral a fonde de serieuses esperances. ll n‘a pas encore trahi
la confiance, mais il a deja barbote dans les dossiers. Sandral, qui
s‘cn est apercu, lui tend uni piege pour le prendre la main dans
le sac. Heureusement, Nelly a prevenu Robert du danger qu‘il
court, l'a sermonne, a plcure avec lui, l‘a vu tombera ses gcnoux,
a jure de le sauver, elle paiera ses dettcs, et le sauve, en effet,
en le jetant aux bras de sa mere qui l‘emmenera au pays natal,
on, sans doute, il respirera les souvenirs du passe, et reprcndra
Ie sentier battu, celui 0121 les picds ne choppent pas aux pierres
de la route. Il fallait vraiment le talent delicat, la finesse et
l‘csprit dc l‘auleur pour remplir quatre actes, avec un sujct aussi
mince et aussi indecis, et ces quatre actes sont, quand meme, d‘un
grand eharme, on ne peut le nier. Ils sont joues, d'ailleurs,
avec un bcl ensemble par tous, en particulier par Madameleanne
Granier qui a dC1 se transformer pour faire vibrerunecorde nou-
velle pour elle, celle de la tendrcsse; Tarride, qui n‘a qu‘une
senle scene, mais la joue avec maitrise; Lerand qui a compose
avec son art impeccable et sa sftrcte coutumiere, un personnage
d‘in1‘enteur alcoolique d‘un comique douloureux.
Decidement, lc goL‘1tdel‘art musical est plus populaire qu'on
ne suppose, il sevit au centre parisien avec le Lyrique de la
Gaite ct avec l‘operette des Folics-Dramatiqucs, maisil se decen-
tralise avec un reel succes dans un tout autre milieu, tout en
haut de Montmartre, au boulevard Rochechouart, of: un direc-
teur intelligent et de grande hardiesse a fonde le Trianon
LJ'riqz1equivogue en pleine prosperite: operas, operasscomiqucs.
drames lyriques, grandes operettcs, s’y succedent it la joie d‘un
quartier excentrique qui a forme a son theatre favori une clien-
tele de fideli1e.Cela aurait pu ne pas sufftre, mais on y est venu
dc partout, et, succcssivcment, it des prix plus que modestes, on a
pu s’of’frir le regal du Pelit Due; de la Mnette de Portici; des
lflonsqnelaz're.s an Convent; d‘Hayde'e; du Barlzier dc Seville ;
du Pre’-aux-Clercs ; que sais-je encore? - car vous le voyez on
)' va du grave au doux - avec dc tres bonnes executions chorales
et orchestralcs,gr;1ce aux chefs Henri Carre e1Scl1uyer, E1l’cxcel-
lent orchestrier Cherubini, et grace aux interpretes, des artistes
exce1len1s,ma foi, en tete desquels je veux citer la charmante
Jeanne Morlet.
Maintenant, dites-moi, est-ce "que le monde des thC’fllreS
deviendrait procedurier? Chaque jour amenc une contestation
nouvelle et le papier timbre foisonne, la ou vraiment on ne
devrait connaitre que le papicr 21 :opie, cclui qui sen 21 la con-
fection des manuscrits. A la Comedic-Francaise, c‘est Jules Bois,
l‘auteur dc Ia Furie, actuellement en repetition, qui assigne
M. J. Claretie, l‘administrateur general, parce qu'on repete 521
piece an a foyer x>, alors que c‘est an (r Foyer): de Mirbeau, qu'on
donne le benefice de la scene : (( Je veux passer au tour qui m‘est
d0. s'ecrie-t-il, et je refuse de me laisser ajourner... >> A quoi
Vadministrateur repond : (1 Comment diable voulez-vous que ye
fasse? De par jugement, il faut que le Foyer passe it date prie-
f'59--v - Ca ne me regarde pas! replique l‘auteur de la Fnrze,
I0 veux mon tour... 3: Et vlan! il assigne. M. Claretie ne
s'e'meut pas. Il sait que la justice ne va pas en automobile, elle
S'avancepede claudo. Quand on jugera la cause, dans un an ou
Plus, il ne sera plus question ni de la Furie ni peut-etre du
Fofer... alors il sourit de son sourire inelfable et resigne, dans
SR barbe d’administrateur.
Aux Varietes, proces intente par le directeur Fernand Samuel,
z‘1l’auteur dramatique Alfred Capus: <1 Vous deviez, lui dit-il, me
livrer trois pieces, en trois ans, sous peine de 30.000 fr. de dedit;
or, non seulement vous ne m‘avez rien livre, mais vous me sou-
levez mon etoile, live Lavalliere, pour jouer votre Oiseau blesse’,
A la Renaissance, alors passez E1 ma caisse, et versez 3o.ooo fr. n
Notre petit monde s‘est emu, Alfred Capus a beaucoup d‘amis qui,
:1 epris dc conciliation n, - dame, quand ca ne coote rien -
ont voulu intervenir et apaiser; mais voila, Samuel represcnte
une societe commerciale, et les societes commerciales ca n'a pas
d‘entrailles; quand elles ont 3o.ooo francs E1 toucher, elles ne
plaisantent ni ne concilient.
Ca, c‘est les deux derniers proces eclos, mais il y en a bien
d'autres... Voulez-vous que je cite : c‘est l'Opera contre Gordon-
Bennett et Veber ; au Vaudeville, Sacha Guitry contrc Porel qui
lui a recu une piece, et ne l‘a pas jouee; E1 l’Opt‘-Era-Comique,
Henri Battaille et Lazzari contre Albert Carre, refus de
representcr la Lepreuse, bien et dument rogue; chez Sarah
Bernhardt, Henri Battaille, deja nomme, contre la directrice,
qui a regu son Fans! et refuse de le jouer; chez Rejane, Mes-
dames Lantelme et Carlier, qui reclament paiement du dedi
pour refus d'execution d‘engageme11t..., le tout sans compter les
<1 procillons 2>, plus deux affaires d‘assises : le meurtre de la
Scala et le quasi-meurtre de l'Ambigu.
Le theatre vient de faire une perte immense en la personne
du plus fecond et du plus celebre des auteurs dramatiqucs de ce
temps, Victorien Sardou. C'est assurement celui qui a le reper-
toire le plus abondant, on il compte, pour ainsi dire, autant dc
succes que de pieces. Nous n'avons pas 31 faire ici la biographie
du grand auteur dramatique dont nous avons etc’ le camaradc
et l‘ami pendant plus de trente annees; Ie Tl1c’dlre a consacre jadis
it Victorien Sardou, E1 l'occasion de ses cinquante ans de theatre,
un numero que nous ne pourrions que repeter et auquel nous
renvoyons nos lecteurs. Nous nous contentcrons aujourd’hui
dc rappeler ici les etapes de sa glorieuse carriere.
Apres avoir echoue it l‘Od6on en 1854 avec une certaine
TavernedesE1ud1'ants, il s‘etait replie sur lui-meme, er avait
travaille’ en silence; c'esta partir de 1860 que commenca sa pro-
duction ininterrompue ct d‘une fecondite telle qu‘elle semble
incroyable. Il debute par le theatre Dejazet, alors sous la direc-
tion de la comedienne de ce nom, et donne successivement trois
pieces qui sont trois succes : Les prenziercs armes do Figaro,
Monsieur Garat, Les Pres Saz'n1-Gcrvais. Un an apres, c‘est au
Gymnase : Les Panes de monches (1861), un chef-d‘oeuvre du
theatre dc genre; Piccolino, meme a11nee. Au Vaudeville, Nos
Inlfmes, meme annee. En 1862, La Perle noire (Gymnase) ; La
Papillonne (Comedie-Francaise); Les Femmes fortes (Vaude-
ville); Lcs Ganacltes (Gymnase). E11 1863, Les Gens nerveux
(Palais-Royal);13ata1'1le a"amonr (Opera-Comique); Les Diablcs
noirs (Vaudeville). En 1864, Le Degel (Dejaze1); Don Quiclroue
(Gymnase), les Pommes du Voz's1'n (Palais-Royal‘. En 1865, Les
Vienx Garcons (Gymnase); La Fanzille Benoilon (Vaudeville).
En 1866, Nos bans Villagcois (Gymnase); Maison neuve (Vaude-
ville). En 1868, Se'rapI1ine (Gymnase). En 1869, Patric! (Porte-
Saint-Martin). En 1870, Fernande (Gymnase)... Puis, apres la
guerre, alors qu'on pouvait croire la vcine tarie, c‘est depuis
trente-sept ans une serie nouvelle, plus vivante encore, emrc
autres les grands drames plusieurs fois centenaires : Fedora,
Tlrcfodora, la Tosca, Cleopatra, et tout dernierement encore,
1'Afaire des Poisons... la place me manque pour rappeler la
theorie des succes, qui se chitlrent par centaines... Helas! on
peutdire que c‘est 31 present, seulement, que le pauvre Victorien
Sardou va se reposer!!!
Nous apprenons, en derniere heure, la mort de Marie Favart,
qui, pendantplus d‘un quart de siecle, a ete l‘etoile de la Comedie-
Francaise, o1‘1 elle avait succede 51 la grande Rachel.
FELIX DUQUESNEL.
En septembre 11104, Ie 'I'lre.ilrc a fait paraitre un numero cxceptionnel pour feter r.r:s CINQUANTI-I'A.VS DE‘ THEATRE 111; VICTORlI?N sA1<1>oL'.
go gravurcs en noir at an coulcm-5. Scenes des principaux drames dc V. Sardou et portratts de tous ses tnterpretes.
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