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LE THEATRE
29 aodt. L’interdiction de Marion de Lorme avait vivement solli-
cité ]a curiosité publique sur une ceuvre dramatique du potte
dont on célébrait partout l'inspiration et la plastique. La préface
de Cromwellavait jeté le gant 4 la tragédie. Et Vesprit classique,
surpris par Henri I/J, dont il ne s’était pas méfié, avait loil
ouvert maintenant. Si Victor Hugo triomphait, lart nouveau
serait vainqueur. D’autant plus dangereusement que celui qui
assoirait son succés était un poete lyrique acclamé, et reconnu
déja comme un maitre par toute une génération.
Dés les premiéres répétitions, Phostilité se fit jour. Ce fut
Mademoiselle Mars qui se chargea de la cause du classicisme.
Alexandre Dumas, dans ses Mémoires, nous a donné un tableau
tres vivant et tres humoristique des pruderies de Céliméne.
Au milieu de la répétition, Mademoiselle Mars s’arrétait tout
A coup. Elle s’avangait jusque sur la rampe, mettait sa main sur
ses yeux et faisait semblant de chercher l’auteur.
« Monsieur Hugo? Vous étes 14?
— Me voici, Madame.
— Ah! bien... J'ai 4 dire ce vers-la, n’est-ce pas:
Vous étes mon lion superbe et généreux.
— Oui, Madame. . /
— Est-ce que vous aimez cela : mon lion ? Vous y tenez?
— Si vous trouvez quelque chose de mieux...
— Ce n’est pas mon affaire ! Je ne suis pas l’auteur.
— Alors, Madame, dites ce que j’ai écrit. »
Le lendemain la méme scéne recommengait jusqu’a ce que
Mademoiselle Mars en vint 4 proposer ce changement :
Vous étes mon seigneur...
19
musiciens, les secondes galeries et le Parterre. Barbus, che-
velus, vétus de rouge ou de jonquille, « ayant tous les siécles
et tous les pays sur les épaules et sur la téte », ils menaient un
train du diable. Les fauteuils et les loges offraient aux regards
leur composition habituelle. Et méme micux. Des hommes
comme Chateaubriand, Benjamin-Constant, Mériméc, Thiers
avaient sollicité des places. Tout le monde, de tous les mondes,
voulait assister au triomphe ou & Ja déroute.
On eutle triomphe. Chaque vers pouvant préter a la résistance
d'un public habitué aux ménagements, était guetté au passage par
Ie parterre, et la troupe juvénile imposait le silence par des hur-
lements. Les loges elles-mémes, peu a peu, s’entrainérent, et,
aprés le monologue de Charles-Quint, la bataille était gagnée.
Au cinquiéme acte ce fut du délire. Les bouquets jonchérent la
scéne et, ainsi que, quelques mois plus tard, Louis-Philippe
allait recevoir le baiser de La Fayette le sacrant roi, Victor Hugo
recut le baiser de Mademoiselle Mars le sacrant victorieux.
Ainsi parti, Hernani fournit la plus brillante carriére. Bien
entendu, les représentations étaient tumultueuses, mais l’auteur
tenait le bon bout : Hernani réalisait les plus fortes recettes. Il
fut joué quarante-cing fois et ne fut interrompu que par la mala-
die de Mademoiselle Mars.
Il fut repris en 1838 et maintenu au répertoire jusqu’en 1851,
Bannidela scéne,comme son auteur dela France, en 1851, il fut
repris en 1867 et joué plus de cent fois pendant I’Exposition.
Enfin, en 1877, la Comédie-Francaise le remit sur J’afliche quwil
n’a plus quittée depuis. Nous avons tous encore présentes ala
mémoire ces soirées inoubliables ot Madame Sarah Bernhardt et
M. Mounet-Sully firent jaillir ma-
gnifiquement leur Ame tragique
Victor Hugo, enfin, se facha
et pria Mademoiselle Mars de lui
rendre le réle.
Elle le garda, bien entendu, et
se contenta d’affecter une grande
froideur. Paris, cependant, était
plein de rumeurs. Les classiques,
que des indiscrétions avaient ren-
scignés, criaient au scandale. Les
courtisans, qui ne pardonnaient pas
4 Victor Hugo ’'Ode a Ja colonne,
ni le refus de pension donnée en
compensation de l’interdiction de
Marion de Lorme, faisaient chorus
avec eux. La censure essayait de
chatrer les scenes audacieuses, sous
des prétextes politiques. Enfin les
amis de l'auteur, jeunes gens ar-
dents et farouches, exaspéraient,
Par leurs menaces, les amis de
Pordre et de la routine.
Hernani, selon l’expression
Plus exacte que correcte du
Journal des Débats, devenait un
«champ de bataille ». Ce drame
allait poser la question de vie ou
de mort pour le romantisme.
Ce fut une bataille épique. Les
conjurés, munis de laissez-passer
Sur papier rouge, avec le mot
dans la scéne finale, une des plus
belles qui soient jamais sorties de
cerveau de dramaturge.
once inten
MARION DE LORME
Un Duel sous Richelieu, pre-
mier titre de ce drame, fut écrit
avant Hernani, deux mois avant.
Victor Hugo.le commenga le
1 juin 1829 et le termina le 24.
L’acte quatriéme fut composé en
vingt-quatre heures.
Quelques jours plus tard, Victor
Hugo lisait son ceuvre a quelques
amis réunis chez lui: Balzac, Dela-
croix, Musset, Vigny, Dumas,
Sainte-Beuve, etc., et M. Taylor,
directeur du Théatre-Frangais. Le
lendemain matin, celui-ci accou-
rait chercher le manuscrit pour
mettre le drame en répétition.
Derriére lui arrivait un exprés du
directeur de la Porte-Saint-Martin
et, quelques heures aprés, Harel,
directeur de l’Odéon, venait lui-
méme offrir Mademoiselle Georges
etson public, plus jeune et plus
hardi que celui dela rue Richelicu.
Les directeurs ne se dispu-
térent pas longtemps Marion de
Lorme. A la premiére lecture, la.
Hierro, occupérent l’orchestre des
alle MARS
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